Les oeuvres de Menica Rondelly

Une activité artistique très diversifiée

Dans la plupart des documents consacrés à Menica Rondelly on le surnomme le "barde" niçois. Ceci a commencé déjà de son vivant, par exemple lors de l'inauguration de la plaque Place Ste-Claire (Le Petit Niçois le 7 mai 1934) ; son fils même a repris le qualificatif, quoique lui-même ne semble pas avoir utilisé ce mot.

Ce qualificatif désuet ne correspond pas vraiment à ce qu'il était vraiment, quoique la difficulté vient du fait qu'il était difficilement classable. De nos jours on le situerait plutôt comme auteur-compositeur. Mais il était aussi poète, écrivain et chroniqueur politique, bien qu'il aimait chanter puisque c'était sa vocation première quand il était adolescent et qu'il s'accompagnait à la guitare d'après ce que nous dit son fils (Page 62, ouvrage de Carolus Rondelly) .

La poésie, les contes, les nouvelles, les chansons romantiques ou satyriques, le théâtre, le collectage…toutes les formes d'expression étaient siennes. Il ne reniait pas les chansons populaires, les chansons de Carnaval, dont il était fier de remporter les concours pour la chanson officielle.

Son activité littéraire était tout aussi importante que son action personnelle au service de plusieurs causes qui lui étaient chères et qui toutes n'avaient qu'une finalité, défendre sa langue, son peuple, son pays. C'était sa forme de militantisme.

Son inspiration était très variée mais toujours associée obligatoirement à Nice. Les fleurs, l'amour et les femmes étaient ses thèmes favoris. Il chantait la beauté naturelle des femmes, le parler des poissonnières (A la bella poutina), les midinettes, les paysannes, Catherine Segurane. L'observation de la nature lui donnait matière à chanson : les oiseaux, le coq, le chien, etc. Mais surtout les coutumes locales : le cabanon, le jeu de boules (la Cansoun doù Boucin, la chanson du cochonnet ), les festins, le stockfisch, les cougourdons, etc.

Il écrit en niçois ou en français selon le thème. Pour les chansons il s'associe volontiers avec Auguste Roux, quoique pour bon nombre de chansons il était seul, en témoigne un manuscrit retrouvé dans les cartons, une valse intitulée "le vin de la gaude" qui semble-t-il n'a pas été éditée.

Liste chronologique des publications

- 1900 : Li fia de l'amour (Les filles de l'amour) ; Menica Rondelly, 1900, 90 pages, Goiran imprimeur, Nice

Sa première publication importante date de 1900. Il s'agissait de contes et de nouvelles, rassemblées sous le titre Li fia de l'amour. On citera Doun Relori e Margarida Pendula (Don Reveil et Marguerida Pendule) , Lou Bedogou e lou counscrit (Le bedeau et le conscrit), La niera de Zaza (La puce de Zaza), Mà ! sieù tapada (Mais, je suis bouchée !), Letra de Pourtugalié (Lettre de l'oranger), Padre Presaïre, L'Ome serious (L'homme sérieux), Lou mau d'amour (le mal d'amour), Granouia e viei gari (La grenouille et le vieux rat), La Mounega e lou Serin (la religieuse et le serin), La mieù mita (ma petite amie), Lou Pignatoun de Tité (La marmite de Tité), Lou amour d'une fruma maridada (l'amour d'une femme mariée). Ce recueil présente l'originalité de comporter en avant-propos une protestation adressée aux "démolisseurs de notre passé", en leur lançant le défi "qu'ils ne démoliront jamais l'azur de mon ciel, l'éclat de mon soleil et la langue de notre vénérable père, illustrée par Rancher".

- 1901 : Lou Presepi Nissart (Crèches niçoises) ; Menica Rondelly et Antouana Augier, non paginé, 1901-1930, imprimerie E. Magnan


La tradition des Presepi Nissart était tombée dans l'oubli. La tradition orale se perdait. Il alla trouver Antoine Augier, qui interpréta autrefois le rôle de Barba Micheù pour collecter oralement ce patrimoine et en tirer une comédie lyrique en 3 actes. Le Presepi fut représenté pour la première fois le 24 décembre 1901 au grand théâtre de la rue de la Tour. Il a été régulièrement rejoué par la suite et le livret a été imprimé. Une chanson a par la suite été composée sur Noël pour compléter le spectacle Calena ! (Noël).

- 1902 : Li mieù cansoun e souveni (Mes chansons et mes souvenirs) ;1902, non pagniné, Goiran imprimeur, Nice

En 1902, il publie ses premières chansons dans Li mieù cansoun e Souveni , un petit pamphlet de quelques pages qui rassemble des chansons aux inspirations très diversifiées. L'on citera Aven plu de Vairola (Je n'ai plus la variole, dédicacée à madame les eaux de la Vésubie et à monsieur Hygiène publique, satire contre les hygiénistes), le naufrage de la Jeune Madeleine (barque de pêche qui coula avec 4 hommes en 1902), la soupa au pistou (La soupe au pistou) , Lou gaspillage (Le gaspillage) , Lou founougrapha (Le phonographe) , Lou roussignoù e la paisaneta (Le rossignol et la paysanne), les adieux d'un rossignol, N'en fan pica au papié (satyre contre l'argent dédicacée à la Banque de France).

- 1902 : De Nissa a Caprera ; Menica Rondelly, 1902, 57 pages, imprimerie économique Garel, Nice

.Il s'agit d'une brochure écrite en niçois qui raconte le "pélerinage" à Caprera de la délégation des 40 niçois à l'occasion du 20è anniversaire de la mort de Garibaldi : le voyage en train jusqu'à Gênes, puis en bateau jusqu'en Sardaigne. ce fut un grand évènement puisque 1200 personnes venues de nombreux pays se sont rassemblées, dont surtout des compagnons d'armes. A cette occasion il retrace la vie de Garibaldi en terminant sur l'épisode de 1870. Il écrit qu'un homme seul, un vieillard, accablé de douleur et de blessures qui avait la barbe blanche est venu offrir à la France - abandonnée de tous et que personne n'est venu aider - son épée et le millier d'hommes qu'il avait.

- 1902 : Alfred BORRIGLIONE, sa vie politique

Menica Rondelly et Grégoire Ricci, 1902, 144 pages, imprimerie nouvelle Barral, Nice

En septembre 1902 il publie cet ouvrage en français un mois après la mort de cet homme politique célèbre, maire de Nice, député et sénateur. Cet ouvrage co-écrit par un ami de Borriglione retrace sa vie politique. Il explicite notamment comment les séparatistes niçois ont été réprimés après l'annexion, en particulier à partir de septembre 1870 et surtout les journées de février 1871 (arrestations, perquisitions du journal "Il Diritto de Nizza").

- 1904 : Lou Picioun Armanac populari (Le petit almanach populaire); Menica Rondelly, 1904, non paginé

En 1904 il publie Lou Picioun Armanac populari , petit almanach comprenant des nouvelles, des chansons et des proverbes

- 1904 : Li cansoun de la mieu soufieta (Les chansons de ma mansarde) ; Menica Rondelly, 1904, non paginé, Monnier imprimeur, Nice

- 1907 : Li Cansoun de Tanta Gianna (Les chansons de Tante Jeanne, imprimerie des Alpes maritimes, Centre de documentation de la musique de Nice, Palais Lascaris) Menica Rondelly, 1907, imprimerie des Alpes maritimes

Cet ouvrage contient des chansons niçoises en français ou en niçois plus ou moins anciennes : Parpaïoun maride te! (Papillon, marie-toi), L'amour d'une vieille, lou roussignoù che vola (Le rossignol qui vole), lou festin dei verna (Le festin des aulnes, fête qui se déroulait le lendemain de la Pentecôte dans le quartier des Verna, près de la chapelle Sainte-Marguerite, en face de St-Laurent-du-Var) , le beau corset, la blea (La blette) , lu nas (le nez) , la paisaneta (La paysanne) , o tu la mieu bella Nissa (O ma belle Nice) , li baumetta (Les Baumettes) , la cansoun de Tanta gianna (La chanson de Tante Jeanne) , A la bella pouti…naa ! (A la belle poutine) , la cansoun de l'estocafic (La chanson du stockfish, dédiée au club de l'estocafida) , chant du conscrit niçois, Semper crescendo (en montant toujours) , la cansoun dai reproce (La chanson des reproches) , la cansoun dai cassaire (la chanson des chasseurs) , etc.

- 1910 : Les grands évènements de Nice de 1860 à 1910 ; Menica Rondelly, 1910, non paginé, imprimerie du Sud-est, Nice

Il publie par souscription "Les grands événements de Nice de 1860 à 1910". Loin d'être un travail d'historien comme l'on pourrait s'y attendre, cet ouvrage est en fait constitué d'une liste chronologique d'évènements d'importance très variable et que l'auteur a sélectionnés dans la presse locale pour des raisons assez personnelles parfois. Outre la liste des souscripteurs qui ont aidé à la parution de cet ouvrage figure à la fin une liste de 41 journaux locaux parus depuis l'annexion. Ces évènements ne donnent la plupart du temps pas lieu à commentaire par l'auteur.
Ils sont classés en 5 chapitres (10 ans par chapitre) qui se terminent chacun par des photos de son ami Giletta.
Le 1er évènement est très symbolique puisqu'il s'agit de la narration jour par jour des cérémonies du "rattachement" de Nice à la France et l'ouvrage se termine avec le dernier évènement avec comme commentaire " Nice fête dans la plus grande joie le cinquantenaire de sa 2è réunion à la France " le 29 juin 1910.
On y trouve toutes sortes d'évènements dont surtout des faits divers, comme par exemple :

16 avril 1863 : "pêche miraculeuse de thons à hauteur de la Croix de Marbre"
20 avril 1866 : "les travaux de la nouvelle route de Cimiez sont presque terminés"
17 février 1874 : "la pluie empêche les fêtes de Carnaval"
27 avril 1896 : "le roi Oscar de Suède quitte Nice"

On y trouve aussi les travaux réalisés dans la ville et en particulier les destructions d'arbre et de bâtiments :

Le 23 janvier 1870 : " les vieux ormes, autrefois le plus bel ornement du Cours qu'ils ombrageaient d'un dôme de verdure tombent sous la hache "
25 mai 1878 : "plantation de jeunes platanes en face du square Masséna"
Photo de Giletta (à la fin du chapitre 3) avec le commentaire : "le célèbre eucalyptus Place Masséna disparu en 1898"
18 septembre 1909 : " les jolis platanes qui ombrent la route de France près du Cros-de-Cagnes sont abattus pour installer à leur place la ligne de tramway qui occupe actuellement le milieu de la chaussée "

Heureusement qu'il n'a pas assisté au chantier du nouveau Trambalan et à l'abattage de tous les arbres de l'avenue Jean-Médecin !
Mais aussi des évènements plus politiques ou plus importants tels que :
. 24 avril 1865 : La description de la mort de Nicolas Alexandrovitch (1 page)
. 9 février 1870 : journées d'émeute (1 page)
Surmontant sa modestie habituelle, il ne manque pas chaque fois que l'occasion se présente de relater ce qui lui tient plus particulièrement à cœur, et aussi de se faire un peu de publicité pour la postérité :
. 4 octobre 1891 : "Inauguration de la statue de Garibaldi. Nice a rendu ce matin au plus digne de ses enfants l'hommage qui lui était dû depuis si longtemps. Elle a inauguré le monument élevé à la gloire de Joseph Garibaldi, le paladin des temps modernes, le chevalier de la justice et du droit"
. 30 mai 1902 : "M Menica Rondelly secrétaire de l'Union garibaldienne de Nice se rend à Gênes pour s'aboucher avec le Comité italien en vue des mesures à prendre pour l'arrivée des garibaldiens niçois".
. 10 septembre 1902 : "M Menica Rondelly et G Ricci publient la vie politique d'Alfred Borriglione"
. 20 septembre 1903 : "M Menica Rondelly et Jules Eynaudi restaurent par souscription publique le tombeau du poète Rancher"
. 30 septembre 1903 : "Menica Rondelly et Jules Eynaudi fondent l'Academia Rancher. Son but est de propager la langue du terroir"
. 3 janvier 1904 : "grand concours de chansons carnavalesques : M Menica Rondelly obtient le 1er prix de la section niçoise sur 17 concurrents et M. Fernand de Rocher le 1er prix de la section française sur 11 concurrents"
. 8 janvier 1905 : "le Comité des fêtes accorde le 1er prix de chanson carnavalesque à M Menica Rondelly et décide que cette chanson sera orchestrée par toutes les musiques de la ville"
. 12 juillet 1907 : "une délégation de garibaldiens niçois composée de … M Rondelly secrétaire part pour assister aux fêtes de l'inauguration de la statue de Garibaldi à Paris"
. 1er février 1910 : "Chahut ! chahut !" chanson officielle pour les fêtes carnavalesques, musique de H. Tarelli, paroles de Menica Rondelly, éditée par les frères Cortelazzo

- 1914 : Li mieù douze nova (Mes douze nouvelles) ; Menica Rondelly, 40 pages, Imprimerie du Sud-Est, Nice

A partir de 1914 son activité littéraire diminue ; il se consacre à d'autres activités. Il édite cependant un recueil de nouvelles "Li Mieù douze novas" . Ce livret comprend :
- Una nova d'Amour (poème de 174 vers)
- Lou curat d'Aiglu (le curé d'Aiglun)
- Giamai! Giamai! (jamais!)
- Un bajà en ten de Carneval (un baiser à Carnaval)
- La Bouca de la mieù calignera (la bouche de mon amoureuse)
- Lou cougùo mouart e vieu (le cocu mourant)
- Devouamen d'una Doumestica d'Auberge (dévouement d'une domestique d'auberge)
- La Granjoua de Madama Lisoun (la grenouille de Madame Lison)
- La Sauma de Doun Alounzou (l'ânesse de Don Alounzou)
- La Tabachiera de Padre Sebeta (la tabatière du Père Sebeta)
- La Niera de Madama Zigou-Zagou (la puce de Madame Zigou-Zagou)
- Lou Calen de Barba Lauren (le calen de Barba Lauren), Poème de 56 vers.
Hormis les thèmes habituels chers à Menica, quelques nouvelles traitent des couples infidèles sous forme de farces.

- 1919 : Li Beluga nissardi ; Menica Rondelly et Anthony fenouille, 126 pages, 1919, imprimerie du Sud-Est, Nice

En 1919 il publie avec Anthony Fenouille un recueil de 125 pages contenant des proverbes et historiettes niçoises "li beluga nissardi" illustré de quelques dessins de Louis Pin. Cette publication dont la page de couverture représente 2 paysannes niçoises sous un olivier, l'une jeune et l'autre vieille porte la célèbre formule souvent citée par Menica "la lenga de ma maire es achela de Dieu" (La langue de ma mère est celle de Dieu). On y trouve pêle-mêle des proverbes universels traduits en niçois, des histoires courtes et à la fin des histoires plus longues (lamentassioun d'une paisana e de Misé Babelin, la granouja de Madama Lisoun, une beluga de ghera). Beaucoup sont en fait des expressions françaises traduites telles que :
. L'ome proposa e Dieu disposa (page 13, l'Homme propose et Dieu dispose)
. Agiudeti, lou siel t'agiuderà (page 16, aide-toi, le ciel t'aidera)
. A l'obra si counouisse l'artisan (page 21, c'est à l'œuvre que l'on reconnaît l'artisan)
On y trouve pas mal de proverbes misogynes de provenance douteuse, peut-être ont-ils même été inventés :
. Sensa mouneta noun si fa l'amour (page 17, sans argent, pas d'amour)
. Una bella frema es lou paradis dai uei, l'infer de l'anima e lou purgatori de la boursa (page 18, une belle femme est un paradis pour les yeux, un enfer pour l'âme et un purgatoire pour la bourse)
Et aussi des proverbes visiblement typiquement niçois tels que :
. La doulou s'usa en la racountan (page 21, la douleur passe en la racontant)
. Lu enfan dai cat mangerai tougiou de gari (page 41, les petits des chats mangeront toujours les rats)
. A viei cat noun li moustra sendiè (page 45, on n'en raconta pas à un vieux chat)
. Fai de ben a Bertran, lou si rende en …sublan (page 71, Fais du bien à Bertrand, il te le rend en …sifflant)
. Tempou la paja che la nespou mduron (page 71, le temps pour la paille que les nèfles mûrissent)
. Lou mou de la sartaja sera tougiou negre (page 73, le fond de la poêle sera toujours noir)
. Un viei mourtiè senterà tougiou l'ajet (page 73, un vieux mortier sentira toujours l'ail)
. Caga mai un boù che sen arendoula (page 74, un bœuf chie plus que cent hirondelles)
La publication de cet ouvrage a été possible grâce à une subvention du Conseil général à Menica Rondelly de 100 Francs (séance du 8 octobre 1920). Par comparaison, lors de la même séance une subvention de 50 francs avait été allouée à Eynaudi pour son almanach niçois. Je n'ai trouvé que cette subvention à Menica Rondelly, mais je pense qu'il en a bénéficié de la mairie de Nice quand le maire de Nice était Jean Médecin, quoique les chansons du Carnaval donnaient lieu à un concours, donc étaient financées par un autre biais. Les familles Médecin - Astraudo - Rondelly étaient proches car leurs parents habitaient dans la même rue dans le vieux-nice.
Malgré tout, le mode de vie modeste de Menica Rondelly atteste de son indépendance financière. D'ailleurs sa famille n'a profité d'aucun enrichissement de sa notoriété.

- 1921 : Le pont vieux et le Paillon ; Menica Rondelly, 1921, 49 pages, imprimerie du Sud-Est, Nice, illustré de Louis Pin, Jan, Cam, Sam, Henry-Marie Bessy

Ce pamphlet publié par souscription grâce à ses amis du Comité conservateur des traditions niçoises fait l'historique de ce pont qui datait de 1531, symbole de l'histoire de la ville. Il défend aussi le Paillon qu'il admire également et retrace l'historique de ses crues à partir de 1530. A cette occasion, il ne manque par de donner un petit coup de griffe à Alfonse Karr en écrivant : "Plusieurs écrivains, notamment le jardinier-poète Alfonse Karr, ont donné sur le Paillon une définition un peu plaisante. Depuis lors, tous ceux qui en ont bien voulu parler, se sont fait plaisir de répéter ces innocentes gasconnades".
Dans ce document figure en français une sorte d'éloge funèbre :
"La vieille pile qui soutenait l'arche du pont vieux de la rive droite du Paillon s'est effondrée sous les coups meurtriers de la mine le 21 octobre 1921. Il était exactement 6 h 20 du soir.
Une foule immense s'était portée sur le boulevard Mac-Mahon et le boulevard des italiens. Dans quelques jours le Progrès sera satisfait. De Profundis !"

- 1923 : Catarina Segurana, 1543-1923 ; Menica Rondelly et Anthony Fenouille, 1923, 24 pages, imprimerie Frey & Trincheri, Nice

Ce document, publié sous le patronage du Comité des traditions niçoises au profit de la construction du bas-relief érigé Place Saint-Augustin par souscription relate le siège de Nice de 1543 jour par jour et même heure par heure en s'inspirant des récits historiques du Chevalier Jean Baptiste Toselli. Une 2è partie traite des "citations pouvant prouver l'existence de Catherine Segurane" avec en particulier les informations connues sur la chapelle dédiée à Notre-Dame de Sincaïre en 1552 à la Porte Pairolière où se trouvait un buste attribué à l'héroïne niçoise et aujourd'hui introuvable avec une inscription en latin, tout aussi disparue.

- 1931 : Un Pessuc de Souveni nissart ; Menica Rondelly, 1931, 42 pages

 Ce petit recueil contient des poèmes tous en niçois publiés dans la presse locale ou bien récités lors de fêtes ou banquets ainsi que pêle-mêle des lettres reproduites provenant d'hommes politiques ou bien d'artistes et des dessins réalisés par ses amis. En plus des thèmes chers à Menica on y trouve quelques poèmes qui montrent son amour pour les animaux (le coq de M. Babelin, le chien, le pinson, l'âne et le cheval). En 4è de couverture est reproduite une aquarelle de Vincent Fossat (hélas elle n'a pas été imprimée en couleur). Menica avait contribué à faire découvrir ce génial artiste.

- Doui manada de Cansoun (deux poignées de chansons)

Ce livret de 29 pages n'est pas daté mais il a forcément été édité après 1931
Nissa la BellaLa cansoun doù giou de l'An
le papillon des amoursLou mieu souleu
La rouseta de NanounMon petit rossignol
O ne t'éveille pas!...La lettre froissée
Viva l'estocafic!Lu bei mourin de Nissa
La midinette niçoiseLe rêve d'un jour
Lu cougourdoun!le chant du conscrit niçois
Le savez-vous?A la bella Pouti...na
Viva la pesca!Lou mieu printen!
E viva carneval! Figaro! Figaro!
Impressioun dedicadi a la touta simpatica nissarda Madama Victoria Fer de l'Opéra

- 1933 : Li nova de Misé Babelin (les nouvelles de M. Babelin)

A 79 ans, malgré la tristesse qui l'envahit suite à la mort de sa femme, il continue à écrire des fantaisies, des contes et publie ce dernier ouvrage.

Les oeuvres de Carolus Rondelly

Après la mort de Menica, son fils Carolus s'est senti investi de la mission de poursuivre le travail de son père. C'est ainsi qu'il publie la biographie de son père une année après sa mort en 1936.

En 1938 il publie Ai pen de Bellanda (Au pied de Bellanda) ; 1938, 16 pages, imprimerie de l'éclaireur de Nice. Ce petit ouvrage contient 12 poèmes avec une préface au lecteur dédiée "à son père vénéré" en précisant "je veux être aux côtés de ces braves ouvriers qui ne rougissent pas de leurs origines niçoises et qui, pieusement et avec ferveur, ont repris d'une main vaillante le flambeau légué par mon Père".

Il a composé principalement des poèmes. L'un d'entre eux "Viva Carneval" publié en 1936 dans la Ratapignta a été réédité par la revue "Lou Sourgentin" en février 1985 (65):11.

En 1939, il publie "Bernardin Clerici, notable niçois sous la révolution et le 1er Empire", Gay Imprimeur, 29 pages.


Chansons de carnaval

Il écrit régulièrement pour le concours organisé par le comité des fêtes, pour le carnaval. Ce genre très particulier (airs faciles à retenir et qui donnent envie de danser) lui a bien réussi car il a régulièrement été récompensé pendant 20 années, de 1903 à 1923. Le site "MTCN - musique traditionnelle du Comté de Nice" a répertorié toutes ces chansons dans la rubrique " airs de carnaval " (adresse du site : http://mtcn.free.fr) .

On peut écouter les chansons de carnaval composées par Menica Rondelly suivantes :

  • 1903 la maire chagrin (début)
  • 1905 E viva Carneval (début à 1:39)
  • 1914 Pin Pan (début à 4:27)
  • 1922 velou velou (début à 7:06)
  • 1923 Fai Ana (début à 8:03)

Les archives départementales dans sa collection d'archives orales ont en effet mis sur le site Dailymotion des enregistrements interprétés par la Ciamada Nissarda (ADAM, ‘'Documents sonores isolés'', 1AV42. Mis en ligne le 10/10/2012. Consulté le 12/06/2013) (lien : http://www.dailymotion.com/video/xu85p0_chansons-de-carnaval-partie-1-fonds-adam-documents-sonores-isoles_webcam#.UbxBi_lOIdU)

Chansons de circonstances

Il écrit aussi les paroles en français du "chant de la mutualité" pour le neuvième congrès national la Mutualité française qui se tient à Nice en mai 1907 avec le compositeur Pierre-Henri Pierre, dit Pierre-Pierre (né à Nice le 23/04/1878 ; décédé à Nice le 25/11/1970) . Cette œuvre, probablement commandée par la ville de Nice sera exécutée à l'Opéra de Nice par l'Orchestre et le chœur de l'opéra le 18 avril 1907 et passa pratiquement inaperçue. Elle fut exécutée entre les 2 actes de l'opéra "Ariane" de Massenet, après la Marseillaise.

Loin de considérer qu'il s'agissait d'une activité légère, il était très fier de remporter le concours pour la chanson de Carnaval. Il faut dire que les chansons officielles de Carnaval à cette époque étaient de véritables chansons à succès, chantées, jouées et qu'elles étaient assorties de prix.

De la période de la guerre de 1914-1918 date "La lettre froissée", valse lente créée par le ténor Lamy, ainsi que la cantate à la vierge de Laghet dédiée à l'évêque de Nice.

Il trouvait son inspiration dans la vie locale quotidienne. Ainsi, à l'occasion de la course à la rame dans la baie des Anges opposant la Société Canottieri Italia de Naples et le Club nautique de Nice le 11 mai 1903 qui avait enthousiasmé la population niçoise, il composa une chanson.

En 1931 fut inaugurée la promenade des Anglais ; il a 77 ans et compose en l'honneur de la mer bleue un poème de 4 strophes.
Il composait pour le plaisir et selon l'inspiration du moment, mais aussi sur commande.

Il arrivait de temps en temps que ses chansons soient publiées dans le "Petit niçois" ou dans "l'éclaireur de Nice" comme "Mimi Pinson la nissardina" (petit niçois 1er novembre 1903). Les paroles suffisaient dans la mesure où c'était souvent sur l'air d'une chanson plus connue. Pour les chansons plus élaborées au niveau de la mélodie, c'était la partition qui servait de support.

Il composa une chanson avec son ami FENOUILLE « la saloupetta » pour soutenir le mouvement qui entendait dénoncer la hausse des prix des vêtements en juin 1920. Les niçois avaient adopté la mode de la salopette qui était venue des Etats-Unis en passant par Paris et en adoptant ce vêtement économique, ils pensaient pouvoir faire baisser les prix des vêtements.
« Bourgeois, ouvriers, aristocrates fraterniseront pour lutter contre la vie chère et sous la même cotte bleue n’auront plus qu’un seul cœur » (l’éclaireur du 12 juin 1920).
Effectivement, une manifestation fut organisée le 13 juin au jardin Albert 1er rassemblant plus de 1500 personnes et fut largement soutenue par la population niçoise. Des personnalités politiques, artistiques et scientifiques étaient présentes et un défilé de mode en salopette, hommes, femmes et enfants fut organisé et filmé.

Les chansonnettes qu'il compose sont souvent d'inspiration qu'on qualifierait aujourd'hui de romantique, dans le style qui plaisait à l'époque. Aujourd'hui on le classerait volontiers dans les artistes de variétés. Sa chanson la Rouseta de Nanoun (La rose de Nanoun) eut un gros succès. Le Papillon des Amours (en français) chantée en 1904 pour la première fois fut tiré à 200.000 exemplaires.

Le Centre de Documentation sur la Musique du Musée de la Musique de Nice situé au Palais Lascaris a bien voulu me donner une photographie de la page de garde d'une partition regroupant Nissa la bella, la rouseta de Nanoun et le papillon des amours, les 3 plus gros succès de Menica Rondelly, si l'on exclut les chansons de carnaval.

La revue "Lou Sourgentin" a publié depuis sa création 3 chansons : "Vouali canta San Peire!" (juin 1981 (47):41, "Viva lou festin de li midineta" et "la midineta vola" (avril 1985 (66):22-23. Elle a aussi publié un texte écrit à l'occasion du voyage à Caprera organisé par les Garibaldiens "Lou sementeri de Caprera" (juin 1982 (52):43.

Velou ! Velou ! (chanson de Carnaval de 1922; paroles de Menica Rondelly et Anthony Fenouiller, musique de H. Tarelli)

Velou! Velou!
Je le vois! je le vois!
E doun? E doun?
Où donc? où donc?
Couma fa lou bulou
Il fait l'intéressant
Dintre de l'orizoun
Dans l'horizon
Nissa s'illumina
Nice s'illumine
D'achi, d'amou,
D'ici de là
Cadun s'encamina
Chacun s'achemine
Souta lu lampioun!
Sous les lampions
2
Carneval s'avansa
Carnaval s'avance
Gioaiou, en rei
En roi joyeux
E plen d'elegansa
et plein d'élégance
Soubre lou Pouant-Viei
Assis sur le Pont-vieux
Ah: Sounàs, fanfare!
Ah! sonnez fanfare!
E boum, canoun!
Grondez canons!
Cleroun, e chitara
Clairons et guitares
Repetaàs la cansoun
Répétez la chanson
3
Nissa la Regina
Nice la reine
D'amour, dei flou
D'amour, des fleurs
D'une gioa divina
D'une joie divine
Flourirà lu sieù giou!
Viendra fleurir son coeur!
Pi, d'un beù sourire
Puis dans un beau sourire
Mouchur, farà
Moqueur, enverra
Au rei doù sieu rire
Au roi de son rire
Lou sieù pu dous bajà!
Son plus dous baiser!
Refren
refrain
Ourgia!
Orgie!
Foulia!
Folie!
Si mascaren
Tous déguisés
E batajen
Pour batailler
Si pessughen
En nous pinçant
E si bajen
Nous embrassant
Chu sauta
Qui saute
Milauta,
Sursaute
Es un gran bal!
C'est un grand bal!
Faghen lu foual!
Fou, infernal
Es Carneval!
C'est carnaval!

Autres chansons

Il existe 2 partitions intéressantes car apparemment non répertoriées. Il s'agit de Babazouchetaou danse du Babazouk de 1924 et Lou mieu clouchié (mon clocher) de 1931 avec une photo de Giletta.

Le chant de la mutualité

La saloupetta

J'ai aussi trouvé dans les archives familiales une autre partition manuscrite de 1930 Beau ciel de Nice (en français). (voir la photo de la première phrase). Je ne sais pas si cette chanson n'a jamais été éditée; il est indiqué qu'elle est dédiée à la Cour d'honneur du comité des traditions niçoises.

Nissa la Bella

Pour la fête nationale du 14 juillet 1903, il compose paradoxalement un chant à la gloire de " son " pays A la Mieù Bella Nissa "(A ma belle Nice). La fête nationale du 14 juillet donnait lieu à Nice à de multiples manifestations officielles et populaires avec défilés militaires, banquets, bals, dans les différents quartiers de Nice.

C'est à la suite des remises de prix des concours de romances, de chansonnettes, de grimaces et de danse, après le banquet, les toasts et les discours à la gloire de la République française et de Garibaldi organisés par le Comité de quartier Garibaldi qu'une jeune fille, Antoinette Dalbera en costume de paysanne niçoise entonna place Garibaldi pour la première fois ce chant spécialement composé pour l'occasion.

Le succès de cette chanson fut immédiat d'après le Phare du Littoral du 15 juillet 1903 (le refrain fut repris en chœur par l'assistance). Menica modifia par la suite légèrement le texte qui deviendra la célèbre Nissa la Bella.

Nice la belle était le titre d'un ouvrage qu'avait publié en 1854 Marie, Princesse De Solms, puis Comtesse Rattazzi, éminente femme de lettres - mais pas seulement - qui s'était beaucoup intéressée à Nice et qui était en outre petite-fille de Lucien Bonaparte, frère de Napoléon 1er. Cette curieuse femme était très belle, mais aussi intelligente et cultivée. Son cousin Louis-Napoléon Bonaparte (le Petit comme Victor Hugo le qualifiait) pour qui elle représentait un opposant politique l'a contrainte à l'exil pour différentes raisons, d'où son intérêt tout particulier pour Nice qu'elle a beaucoup aimé. L'édition du livre que j'ai la chance de posséder n'est pas datée mais il doit s'agir d'une des nombreuses rééditions. Cet ouvrage a fait l'objet d'une très intéressante étude de Martine Schwartz que l'on peut télécharger sur le site du Conseil général des Alpes-maritimes http://www.cg06.fr/ en suivant le chemin suivant : Découvrir les AM/ découverte du patrimoine/les Archives départementales/Outils de recherche et archives numérisées/ Bibliothèque : revue "archives régionales" intitulée Quelques pionniers des représentations littéraires de Nice dans les années 1860 par Martine Schwartz (octobre-Novembre 2004) ou plus directement voici l'adresse http://www.cg06.fr/cms/cg06/upload/decouvrir-les-am/fr/files/rr174-pionniers.pdf.

Le titre de la chanson ne faisait que reprendre celui d'une autre composée plus de 50 ans avant par le grand poète niçois Eugène Emanuel en 1848 La mieu bella Nissa, cansoun dou sourda niçart em loumbardia (chanson d'un soldat nissart en Lombardie) qui évoque le paysan soldat qui part combattre avec Garibaldi contre les autrichiens. on trouvera cette chanson sur le site de l'Association "Les niçois du canton" http://les-nicois-du-canton.pagesperso-orange.fr/index_fichiers/Page4788.htm.
Cette chanson est remarquable par le thème original et par la qualité de l'écriture du texte, mais au niveau de la mélodie c'est moins évident dans la mesure où elle a été composée sur l'air de ... en l'occurrence un air de l'opéra-comique "le cheval de bronze" créé en 1835 par Daniel François Esprit Auber. L'air en question était intitulé "Quand on est fille". j'ai fait quelques recherches pour me rendre compte de la mélodie mais j'ai un peu renoncé bien que j'ai trouvé sur amazon.com un enregistrement. Il est clair que cet air n'a pas réussi à passer les années...et que Menica Rondelly lui, avait les qualités de compositeur qui manquaient à Auber pour porter le texte et le rendre populaire.
On notera au passage dans le catalogue des bibliothèques de la ville de Nice on ne trouve que 9 documents d'Eugène Emanuel.
La chanson d'Eugène Emanuel était très connue parmi les niçois, en témoigne ce qu'écrit son fils Victor en 1884 dans la préface consacré à l'ouvrage des oeuvres de son père : C'est tout au plus si l'on connaît aujourd'hui La mièu bella Niça, sorte d'hymne enthousiaste, chanson pathétique et riante à la fois, où le poète a mis toute son âme et le niçois tout son coeur. Encore, l'a-t-on attribuée parfois à des copistes peu délicats dont le seul mérite était de l'avoir reproduite sans en citer l'auteur. Il est temps que la présente publication fasse cesser, une fois pour toute, ce malentendu (page 6, Canson Niçardi).
Cette phrase ne s'adressait pas à Menica qui n'a composé Nissa la Bella qu'en 1903, donc plus de 20 ans après, mais montre que le thème de la chanson a été souvent repris. Menica a certainement voulu donner une nouvelle vie à la chanson qui a été un peu oubliée, - ou bien l'air sur lequel elle était destinée à être chantée n'était pas très facile à retenir - en témoigne le journal "Ficanas" le 23 aout 1891 qui publie une version détournée de la chanson dédiée à un soldat de 1859, comme un clin d'oeil à la version originelle de 1848, sans mentionner le nom de l'auteur... mort seulement un an auparavant.

L'analyse des paroles de Menica, a priori assez banales voire un peu mièvres et très "carte postale", ne doit pas faire oublier le dernier couplet qui se réfère à l'histoire de Nice en particulier à l'épisode plus ou moins légendaire de Catherine Ségurane repoussant les Turcs, en fait les français de François 1er qui avait signé une alliance avec les turcs pour attaquer Nice et en prendre possession, alors que le Comté était sous le pavillon du Duc de Savoie Charles III. On comprend mieux que cette chanson qui n'était à l'origine qu'une sérénade soit en définitive devenue un " hymne " national pour les niçois et que le titre soit finalement associé à l'image de la ville elle-même. D'ailleurs, Marie Bonaparte-Wyse - De Solms - Rattazzi - De Rute était républicaine et garibaldienne, d'où les relations tendues avec son cousin napoléon III.

Les idées garibaldiennes ne sont pas peut-être pas si loin, vaguement cachées derrière la capeline, la rose et le lilas et le texte a été allégé par rapport à la version d'Eugène Emmanuel qui était vraiment un chant de guerre républicain.

La traduction en français des paroles laisse parfois à désirer. En effet, il existe même des traductions qui effacent tout rappel à l'histoire locale, justement dans la 3è strophe, et même dans les éditions Delrieu.

Menica Rondelly continue à déranger.

les paroles de Nissa la Bella

1ère strophe
O la mieù Bella Nissa
Oh, ma belle Nice
Regina de li flou
Reine des fleurs
Li tiéu viéji taulissa
Tes vieux toits
Léu canterai toujou
Je les chanterai toujours
Canterai li mountagna
Je chanterai les montagnes
Lu tiéu tant ric decor
Ton si riche décor
Lu tiéu verti campagna
Tes vertes campagnes
Lou tiéu gran souléu d'or
Ton grand soleil d'or
Refrain
Toujou iéu canterai
Je chanterai toujours
Souta li tiéu tounella
Sous tes tonnelles
La tiéu mar d'azur
Ta mer d'azur
Lou tiéu ciel pur
Ton ciel pur
E toujou criderai
Et je crierai toujours
En la mieù ritournella
Dans ma ritournelle
Viva, Viva, Nissa la Bella
Vive, Vive, Nice la Belle
2ème strophe
Canti la capelina
je chante la capeline
La rosa, lou lilà
la rose, le lilas
Lou Pouort e la marina
Le port et la marine
Paioun, Mascouinà
La Paillon, le Mascouinat
Canti la soufieta
Je chante la mansarde
Doun naisson li cansoun
D'où naissent les chansons
Lou fus, la coulougneta
Le fuseau, la quenouille
La mieù bella Nanoun
Ma belle Nanon
3ème strophe
Canti li nouostri gloria
Je chante nos gloires
L'antic e bèu calèn
L'ancien et beau calen *
Dou Gioungioun li vitoria
Les victoires du Donjon
L'oudou dou tiéu printemp
l'odeur de ton printemps
Canti lou viei Sincaire
Je chante le vieux Sincaire
E lou tiéu blanc Drapéu
Et ton drapeau blanc
Pi lou brès de ma maire
Puis le berceau de ma mère
Dou mounde lou pu bèu
Le plus beau du monde

Autre partition de musique

J'ai trouvé une partition de musique de Nissa la bella avec l'indication "le grand succès de M. Pierre Lamy, ténor du Grand théâtre de Monte-Carlo". Ce chanteur semble avoir eu du succès dans les années 1920 à 1930 dans un répertoire de chansons françaises et provençales, mais je ne sais pas s'il y a eu un enregistrement. La gravure de la page de garde de la partition représente une niçoise assez aguichante dans un style qui tranche avec le costume "traditionnel" dans lesquel on avait l'habitude de les représenter.

Calen : Lampe à huile en métal que sa tige recourbée en crochet permet d'agripper en divers endroits
Sincaïre : Bastion qui faisait partie de l'enceinte de la ville à 5 côtés (cinq caire, en niçois), haut-lieu de la résistance niçoise incarnée par Catherine Ségurane

Dans la première version figurait aussi une allusion à Rancher et à la langue de sa mère.

A l'origine écrite comme une sérénade, où Nice est une jeune fille à laquelle l'auteur déclare en quelque sorte son amour, les différents arrangements connus n'ont pas dénaturé la mélodie. J'ai trouvé 3 versions complètement différentes de cet air toutes aussi intéressantes. Voir la rubrique "discographie" sur ce site

Visitez la rubrique Discographie sur ce site

Eugene Emanuel, le grand poète niçois oublié

Voici les paroles de Nissa la Bella par Eugene Emanuel



Les portraits de niçoises

Les portraits de niçoises ont inspiré beaucoup d'artistes. Edouard Fer célèbre artiste ayant vécu à Nice qui était ami de Menica Rondelly lui avait dédicacé un de ses dessins représentant une niçoise qu'il avait fait imprimer en carte.

Parmi les personnes chères à Menica il y avait Victoria Fer, soeur de Edouard Fer, chanteuse à l'Opéra de Nice, surnommée la Cigale niçoise, qui semble-t-il a même eu une carrière internationale. Elle habitait Boulevard du Mont-Boron dans la villa "La Cigale" et Menica a même fait imprimer une dédicace à Madama Victoria Fer de l'Opera, Regina Sigala de la Cansoun de Nissa-la-Bella (reine des cigales de la chanson de Nice La belle).

La ratapignata

Malgré de grosses difficultés financières, il réussit à créer un journal bien à lui, à une époque où la liberté de la presse était propice à la liberté d'expression. C'est ainsi que le 10 juin 1900 il put enfin éditer "La Ratapignata " (La chauve-souris), Journal local, Humoristique, Satirique, Littéraire et Amusant, Organe du véritable dialecte Niçois" imprimé chez Eynaudi et Goiran, petit imprimeur de la place Garibaldi. Il en fut le rédacteur en chef pendant 12 ans.
Ce choix était forcément un clin d'œil ironique en rapport avec l'épisode du fameux char de Carnaval de 1875 qui représentait des chauves-souris déguisées de peaux de lapins ou de chats et qui avait fait polémique, les partisans du retour de Nice au royaume d'Italie ayant choisi le char de Catherine Ségurane et les français ayant opté pour le char des chauves-souris, ce qui a eu pour effet d'exacerber les idées dans les 2 camps. Un tableau de 1878 non signé représentant au Cours Saleya le fameux char précédé de l'aigle royale et suivi par celui de Catherine Ségurane se trouve au musée Masséna.

Certains ont écrit que compte tenu du sens symbolique très particulier que l'on peut y voir - la chauve-souris symbolise l'idée inverse du blason de la ville de Nice, il se serait agi donc d'un signe à l'encontre du symbole napoléonien. La chauve-souris ne domine rien puisqu'elle se suspend. Ainsi, l'aigle dominant les trois collines illustrerait la domination de la Savoie sur le pays niçois, sous le signe de la bannière impériale ; et la chauve-souris quant à elle représenterait la liberté et les velléités de séparatisme des niçois illustrées par Garibaldi. On peut noter au passage que finalement, le symbole a changé de camp. D'ailleurs, l'aigle de gueules couronnée au vol abaissé sur une montagne de 3 coupeaux en sinople émergeant d'une mer ondée figurant sur le blason de la ville existe au moins depuis 1431. Il n'appartient pas spécialement à la symbolique napoléonienne car il est très fréquent en héraldique.


Il est possible qu'il y ait eu plusieurs raisons à l'origine du choix de ce titre plutôt original. En effet, la Ratapignata c'est surtout un endroit bien connu des niçois puisqu'il existe la grotte de la ratapignata à Falicon, à quelques encablures de Gairaut que Menica Rondelly connaissait très bien puisque la famille de sa mère en était originaire. Cette grotte avait été découverte ou plutôt re-découverte par Domenico Rossetti qui lui avait consacré un poème écrit en italien "la grotta di Monte-Calvo" (la grotte du Mont-Chauve) en 1804; il mentionnait déjà à cette époque la présence de chauves-souris qu'il avait même décrites en détail. Avec l'engouement pour la spéléologie dans les Alpes-maritimes à la fin du XIXè siècle, la grotte fut l'objet d'un nouvel intérêt.

Cette grotte continue de faire l'objet de publications. Je citerai l'ouvrage "la pyramide de Falicon et la grotte des ratapignata", édité en 2008 par Catherine Ungar, Pierre Beny et Yann Duvivier à l'Institut de préhistoire et d'archéologie Alpes Méditerranée (Mémoire IPAAM).

Il est troublant de noter que cette grotte a aussi été considérée comme un lieu ésotérique. C’est Maurice Guinguand qui l’a analysée comme un ouvrage réalisé par les Templiers "Falicon, pyramide templière" (158 pages, autoédité en 1970) . En effet, elle serait construite selon les règles de l’apocalypse de Saint jean, Saint Jean étant l’aigle en hagiographie. La constellation de l’aigle aurait présidé à sa construction à une période donnée. La rivalité entre Templiers et Antonins signerait également cette construction. Les antonins prirent l’aigle bicéphale comme symbole, et il s’agirait de la position alternée de la constellation de l’aigle, cosmogonie différente de la cosmogonie templière.
De plus, selon M. Guingamp, la constellation qui veut s’y placer est celle du dauphin, constellation des antonins, qui portaient le manteau noir à Tau bleu, alors que les Templiers portaient le manteau blanc à Tau rouge. Les antonins par moquerie auraient été surnommés les « chauve-souris » par les templiers en raisons de la couleur de leur manteau. La difficulté parfois à comprendre l'auteur n'enlève rien à l'intérêt du propos. Donc l'opposition entre le symbole de l'aigle et celui de la chauve-souris est intéressante à étudier dans ce contexte.
Pierre Bény a édité en 2016 un ouvrage "la pyramide de Falicon, une vue de l'esprit" chez Michel Moutet éditeur, dans lequel il replace l'enigme de cette pyramide dans le contexte historique et littéraire de la vie de Domenico Rossetti et des loges maçonniques à Nice et à Turin.

Je n'ai pas pu examiner les premiers numéros de ce journal pour en savoir davantage sur le sujet, mais je ne désespère pas d'avoir l'occasion de les consulter.

Le dessin qui agrémente le nom du journal a changé plusieurs fois.

L'aigle de Nice

Si l'on veut éviter de lire toutes sortes de romances au sujet de l'aige de Nice, l'on pourra se reporter à l'article de Laurent RIPART (Université Savoie-Mont Blanc) "le manuscrit de Nice". Ce texte de 2015 décrit le manuscrit conservé aux archives municipales de Nice sous la cote AA9 qui est un des exemplaires du XVe siècle des STATUTA SABAUDIAE et que l'on peut lire sur le site https://www.academia.edu/. La photo de la page où se trouve ce blason figure en annexe de l'article. 

Blason de la ville de Nice peint à droite sur la façade du couvent de la visitation Place Sainte-Claire dans le vieux-Nice,
au-dessus de la porte d'entrée

(le blason qui se trouve à gauche de la porte est celui de Monseigneur Lefebvre qui a été repeint à la place de celui de Saint François de Sales!)

L'aigle de Nice sur le blason de l'OGC Nice (Olympique Gymnaste Club de Football)

Ce blason de l'OGC Nice a été réalisé par Nadège Gesvres en mosaïque (site : http://www.gesvres-nadege.com/)

Le premier balson de la ville de Nice

Nous avons la première représentation du blason de la ville de Nice sur un manuscrit conservé aux archives municipales de Nice daté de circa 1430 sur un document des ducs de Savoie intitulé « Statuta Sabaudiae » (Statuts de la Savoie) qui montre 2 aigles rouges se faisant face.
Voici un extrait de la magnifique page enluminée que l’on peut admirer sur le site des archives de la ville de Nice à l’adresse suivante : http://bmvr.nice.fr/

La notoriété du journal était grande et son influence certaine. Les niçois connaissaient bien ce journal. D'ailleurs, il paraît qu'ils avaient baptisé "la ratapignata" le planeur qu'expérimenta en 1901 le capitaine Ferdinand Ferber, pionnier de l'aviation, sur la colline du Mont-Boron.

Quoiqu'il en soit on peut dire que Menica Rondelly n'avait aucune aversion pour l'aigle niçois puisque souvent on en trouve une reproduction dans son journal et que dans un poème il s'est approprié l'emblème qu'il décrit ainsi "per ecusson l'aigla che doù siel domina mar, mountagna e li pu auti sima" (Poème cité dans l'ouvrage de Carolus, page 56) . Par ailleurs, il reprend volontiers cet écusson pour illustrer ses publications (en particulier pour le poème Nissa !, page 32 de "Un Pessuc de Souveni Nissart"

Son engagement politique, compte tenu de son fort attachement à 2 symboles majeurs qui étaient d'une part Garibaldi et d'autre part Catherine Ségurane, laisse aisément apparaître ses idées régionalistes sans que l'on puisse définir avec certitude où allaient ses préférences dans le contexte de l'époque. Il est à remarquer qu'il ne parle jamais de "rattachement" à la France, mais bien d'"annexion".
Sa fidélité à son héros Garibaldi à qui il rendait hommage chaque fois qu'il en avait l'occasion le conduisait naturellement à défendre les idées républicaines représentées par la France, sans pour autant renoncer au particularisme niçois.

Un ouvrage a été publié récemment consacré à ce journal ("la Ratapignata, un périodique populaire en dialecte nissart" ; Christine Bovari, 2002 Serre éditeur).
Un autre auteur s'est intéressé à ce sujet, c'est André Compan "la presse dialectale niçoise au XIXè siècle" (Suite d'articles de 1955 à 1957 consultables sur le site http://www.nicehistorique.org/) . C'est dommage qu'il se soit arrêté juste avant le début de la Ratapignata.
Sur internet on peut lire aussi avec grand intérêt sur le site "Cahiers de la méditerrannée" une très bonne analyse de Suzanne Cervera sur la presse niçoise à la Belle époque (Suzanne Cervera, "Antimodernisme et rejets dans la presse niçoise de la Belle Époque", Cahiers de la Méditerranée, vol. 74, Les crises dans l'histoire des Alpes-Maritimes, 2007, [En ligne], mis en ligne le 14 novembre 2007. URL : http://cdlm.revues.org/document2373.html)

Je n'ai pas pu examiner les premiers numéros de ce journal aux archives départementales, mais en examinant les pages sauvegardées quoiqu'en mauvais état - il est probable que la qualité médiocre du papier employé soit à incriminer - l'on peut remarquer que le contenu était assez hétéroclite.

En effet, selon le thème de l'article et selon à qui il s'adresse, la langue employée était le niçois ou bien le français. On y trouve toutes sortes d'articles, plus ou moins politiques, plus ou moins satyriques, des poèmes, des textes de chansons, etc.

Ce qui revient souvent c'est la nostalgie du passé, la peur de voir disparaître la langue "un giou vendrà che noun s'auderà plus parlà la lenga armounia dai nouastre dieu" (Ratapignata 28 avril 1901 "la preghiera de Nissa"), de voir disparaître les maisons et les arbres qui font la beauté de la ville sous le coup des démolisseurs, mais aussi que les niçois ne trouvent plus de travail à Nice et qu'ils ne se sentent plus chez eux. L'expression "Nissa ai Nissart" ("Nice aux niçois") empruntée à Flaminius Raiberti, célèbre homme politique niçois, trouve ici tout son sens et figure même sur plusieurs numéros au dessous du titre en niçois et en français parfois aussi.

L'examen des numéros conservés aux archives départementales donne l'impression d'une publication où se mélangent des billets d'humeur, des blagues en niçois, des informations de toutes sortes, le tout agrémenté de publicités de gentils annonceurs qui finançaient les parutions, et pour lesquels il mettait volontiers son art au service du produit qu'il fallait vanter dans la mesure où cela n'était pas contraire à ses idées politiques.
Tout cela ferait volontiers penser à une sorte de grio niçois, capable d'improviser sur tout pourvu que l'idée lui convienne et que cela serve à glorifier la culture niçoise.

De nombreux journaux en niçois ont été publiés à partir de 1880 à Nice. On citera parmi les noms les plus originaux "le Chacapan" (L'employé municipal chargé de capturer les chiens errants) , "la Ramassa" (Le balai), "la Rascalda" (la fessée) , "le Mesclun". La forme satyrique permettait à la fois de continuer à faire vivre la langue niçoise et de défendre des idées sur un ton humoristique sans se voir taxé de séparatiste, subtilité que l'humour permettait de dépasser.

Ce journal servait d'abord à diffuser les chansons qu'il composait, soit publiées par ailleurs soit originales. Voici une liste non exhaustive de chansons publiées dans la Ratapignata en 1905 et 1906 :
- La cansoun dai reproci (édition du 4-11 mars 1906 et 17-24 février 1907)

  • La bella pouti…na !! (édition du 5-12 février 1905 et 1-8 avril 1906) avec un dessin représentant un policier ou un agent de l'octroi qui interpelle une poissonnière. La revue "Lou sourgentin" a consacré un article intitulé "L'affaire V... Menica Rondelly e lou çef doù dassi" rédigé par Raoul Nathiez dans le numéro 180 qui traite de la douane et de l'octroi. Cet article relate différentes parutions de la ratapignata en août et septembre 1901 (N°52, 53, 54 et 55) dans lesquels il est question des pratiques malhonnêtes d'un chef de l'Octroi.

- La cansoun de la poulissa nissarda (édition du 19-26 novembre 1905), dédicacée au brave Monsieur Cioà Boissière, commissaire central de la vie de Nice. Dans cette chanson il se moque carrément des policiers.
- L'oursin de Nissa (édition du 17-24 décembre 1905)
- La cansoun doù boucin (édition du 24 juin-1er juillet 1906)
- La cansoun doù drapeu (édition du 1-8 octobre 1905 et 21-28 mai 1905))
- La cansoun de Moun-Bouroun (édition 1-8 octobre 1905)
- La cansoun dai cat (édition du 27 août -3 septembre1905
- La cansoun dai senza pié (édition du 28 mai -4 juin 1905)
- La cansoun de li pressieri (édition du 2-9 avril 1905)
- La cansoun de l'estocafic (édition du 1-8 janvier 1905 et 3-10 juin 1906)
- Lou festin de San-Bertomieù (édition du 19-26/3/1905)
- La cansoun de li flou (édition du 16-23 avril 1905)
- Cansoun dai garson boucié (édition du 9-16 avril 1905)
- La cansoun de li revendairis de Nissa (édition du 26 février-5 mars 1905)
- La cansoun de Mimi Pinson (édition du 10-17 septembre 1905)
- La cansoun de la republica (édition du 22-29 juillet 1906)
- Lou cant doù 14 giugliet (édition du 14 juillet 1904)
- Lou cant de la côte d'azur (édition du 21-28 janvier 1906)
- La cansoun de la soupa où pistou (édition du 9-16 décembre 1906)
- La chanson de la midinette niçoise (édition du 7-14 janvier 1906 et 24 février-7mars 1907)
- La cansoun de li raiola (édition du 18-25 février 1906 et 15-22 juillet 1906)
- La cansoun dai peruchié (édition du 15-22 avril 1906 et 28 octobre-4 novembre 1906)
- La cansoun dai candidat (édition du 18-23 mars 1906)

Mais les chansons servaient aussi à financer le journal :
- La cansoun doù Cimiez-bar (édition du 23 juillet 1905), dédicacée au sympathique Sylvestre Rocchesani. Visiblement commandée par le propriétaire de l'établissement, la chanson donne véritablement envie de s'y rendre. Tout y est, le piano, le menu, et même l'accès par le tram.
- La cansoun doù campari (édition du 5 au 12 novembre 1905), dédicacée à l'aimable Monsieur J-B, Girelli, distillateur conseiller d'arrondissement du canton Est de mon pays. Cette chanson à la gloire de la boisson figure là en 1ère page avec en plus en bas de page une réclame " Bitter Campari "
- La cansoun de la biera Rubens (édition du 16-23 juillet 1905), dédicacée au sympathique directeur, Monsieur Ch. Preisig.

On y trouvait aussi des récits. Par exemple :
- Roman doù curat (édition du 7-14 octobre 1906)
- Lu amour de doui maridat (édition du 28 août-4 septembre 1904)
- De Nissa a Caprera. Ce récit a été publié sous forme de feuilleton (édition des 11-8 février 1906, 18-25 février 1906, 1-8 avril 1906, 13-20 mai 1906, et 8-15 juillet 1906)

La Ratapignata était aussi un journal politique. Il servait à diffuser les idées de Menica Rondelly. La chanson prenait une forme politique parfois, quoique volontiers sur un ton de dérision, en témoigne par exemple La cansoun dai candidat, sous-titrée "élection du 29 avril 1906, profession comique et sans malice" (édition du 15-25 mars 1906) dans laquelle Menica Rondelly s'adresse aux candidats sur un ton plutôt moqueur.

Parfois le ton est plus sérieux, comme la cansoun doù Poble (la chanson du peuple, en 1ère page de l'édition du 14 juillet 1905), sous-titrée "mélodie patriotique dédicacée au vénérable Monsieur Emile Loubet, Président de la République" dans laquelle il célèbre les valeurs de la république française.

Il est arrivé même que le journal serve ouvertement à faire la propagande pour tel ou tel candidat. C'est ainsi que pour les élections départementales (édition du 14 juillet 1901) il fait des commentaires en français sur les candidats qu'il recommande.
Dans l'édition du 31 juillet-7 août 1904, il s'adresse en niçois à tous les niçois du canton Est pour leur demander de voter pour Batisten Caillet à l'assemblée départementale en leur disant de se souvenir toujours qu'ils sont niçois avant tout et qu'ils doivent soutenir un enfant du pays.

Mais les idées de Menica c'est dans la vie quotidienne qu'on les voit le mieux. Il se faisait le défenseur du peuple. La misère et la bêtise le révoltaient.

2 chansons sont à classer dans un registre particulier :
- La cansoun de la greva dai implegat dai trambalan (chanson de la grève des employés du tramway, 28 juin 1904). Une grève éclata le 18 juin 1904 suite à des revendications syndicales et des mesures disciplinaires prises à l'encontre de certains employés par la Direction. Des manifestations ont suivi qui ont vite dégénéré en particulier à la suite de paroles malheureuses prononcées par le directeur. Des voitures de trams furent renversées et des arrestations suivirent. Les manifestations se sont régulièrement poursuivies tous les jours jusqu'à ce que le 22 juin 1904, la police reçoive l'ordre de réprimer les manifestants en tirant sur la foule. Une centaine de coups de feu fut tirée et de nombreuses personnes, manifestants ou badauds, se retrouvèrent à l'hôpital. Il semble bien qu'il n'y ait pas eu de mort mais des blessés par balle dont un enfant de 16 ans. De nouvelles arrestations suivirent.

Dans l'édition du 26 juin-3 juillet 1904 il écrit à la une "Viva Nissa !... Fouara lu Tiran !..." (Vive Nice, dehors le tyran !) . L'article est en rapport avec la phrase prononcée par le directeur de la compagnie des tramways pour avoir dit "avec une baguette de deux sous je fais marcher tous les niçois". Il s'exclame " Comment, vous venez à Nice vous remplir les poches avec notre argent, respirer notre air pur, profiter de notre soleil que d'autres nous envient, et puis vous nous insultez ? " (traduction)" et il interpelle les niçois "Prouletari !" (prolétaires), "Nissart ! " (niçois) en leur disant de rester unis, de respecter tout le monde mais de se faire respecter et de travailler pour la prospérité du pays.

La complainte pour les mineurs de Courrières, publiée dans l'édition du 25 mars 1906 à la suite de la plus importante catastrophe française d'une mine de charbon dans le Pas-de-Calais (la compagnie des mines de Courrières) qui avait fait aux alentours de 1200 morts le 10 mars 1906. Cet évènement avait eu des répercussions politiques importantes dans toute la France.

Un de ses sujets de prédilection était son aversion contre les agents de police à Nice. En effet, le thème revient régulièrement à travers les chansons mais aussi dans la vie quotidienne, où il ne se prive pas de se moquer. En témoigne l'édition du 14 juillet 1901 où il consacre la 1ère page et la moitié de la suivante à décrire le sergent de ville avec tous ses travers.

Sa préoccupation majeure était le sentiment que les niçois n'étaient plus chez eux depuis l'annexion, d'où le slogan "Nissa ai nissart" repris assez souvent en gros caractères à la une de son journal (édition 6-13 mai 2006 et 13 janvier 1901) ou bien carrément sous le titre, en français et en niçois. C'est dans un style acerbe, ironique, direct, puissant qu'il s'exprime alors. Nous sommes loin du style romantique de ses chansons.

Dans l'édition du 13 janvier 1901 il raconte 2 histoires :

  • Celle d'un père de famille qui va chercher du travail à Vallauris et qui doit commencer le lendemain ; or, le contremaître lui demande d'où il vient et comme il dit qu'il est niçois, il lui répond alors qu'il regrette et qu'il n'a pas de travail.
  • Celle d'un homme d'affaires dans l'industrie niçoise riche et influent mais malhonnête qui n'arrête pas de critiquer Nice et qui a toujours sur les lèvres le mot de "sale niçois" alors qu'il "entasse en quantité dans ses coffres l'argent des niçois" et qui refuse d'embaucher des niçois.

Il ne s'arrangeait pas de la misère de ses concitoyens. Dans une de ses chroniques "Boum ! miegiou !" (édition de septembre 1911) il décrit le vieux-Nice à midi et il finit l'article ainsi "et pendant que tous mangent et boivent, s'embrassent, se font des manières, deux pauvres enfants estropiés vont de porte en porte demander la charité" ; un dessin vient illustrer le propos.

Dans l'édition du 28 avril 1901 dans un article "la preghiera de Nissa" il lance une prière à la municipalité de Nice car si cela continue, dit-il, les niçois seront obligés d'émigrer parce que dans leur pays ils ne trouveront plus de travail pour donner du pain à leurs enfants. Les autorités compétentes doivent prendre fait et cause de cette situation et exiger que tout ce qui dépend de la commune soit réservé aux ¾ à des niçois et le reste à l'ouvrier étranger honnête.

Il sortait de ses gonds pour prendre la défense de ses concitoyens volontiers critiqués par "une certaine presse et par certains étrangers" (étrangers ou français...)

Ainsi dans l'édition du 26 mai 1901 dans un article intitulé "Mensonges ! mensonges !" il s'adresse en français à ceux qui critiquent les niçois. Ainsi il écrit notamment "Parlez calomniateur ? mettez vous en face ! oseriez-vous comparer vos vices à la vie toute de travail et de simplicité de nos pères et de nos contemporains. Oseriez-vous comparer vos mœurs dégoûtantes à l'innocence des mœurs de mon bien-aimé pays de Nice ?"

Les nouvelles séries de la ratapignata

De 1934 à 1936 c'est Jouan Nicola qui dirigea la revue.
Une 3è série "la Ratapihata nova" est parue de 1976 à 1979 sous la direction de Jean-Luc Sauvaigo toujours dans le même esprit, avec la plupart des textes en niçois et quelques articles en français
Il y eut même une 4è série de 1986 à 1989.